SACREMENTS

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Toutes les religions comportent des rites, des cérémonies, une liturgie plus ou moins réglée. Mais toutes ne comportent pas un choix préférentiel et une liste limitative d’actes hiérogéniques qui l’emportent en dignité et en efficacité sur tous les autres gestes de la symbolique cultuelle. De même, toutes les religions n’ont pas élaboré théologiquement, c’est-à-dire appuyé sur des arguments de foi et de raison, le genre d’efficience qu’il convient d’attribuer à ces actes privilégiés. Parmi les doctrines qui ont le mieux approfondi ces questions, on peut citer la sacramentaire chrétienne et la théurgie païenne.

La sacramentaire chrétienne

Des origines au XIIe siècle

Figure révélatrice du dessein secret de Dieu sur le monde et notamment de l’établissement eschatologique de son Règne: telle était la signification fondamentale, héritée de l’apocalyptique juive, du mystèrion de la version biblique des Septante et de son décalque latin mysterium , ainsi que de sacramentum . C’est dans cette perspective d’«apocalypse» (révélation) que Paul parle du « mystère » du Christ ou de l’Église dans son union «sponsale» au Christ et que, plus largement, la tradition patristique interprète les Écritures, dans leur ensemble et parfois jusque dans leurs moindres détails, comme remplies de mysteria ou de sacramenta relatifs au Christ ou à l’Église.

Manifestations du dessein sauveur de Dieu en Jésus-Christ, ces termes pouvaient aisément être appliqués aux activités cultuelles des chrétiens, baptême et eucharistie notamment. Toutefois, jusqu’au début du IVe siècle, les risques de confusion avec les mystères païens étaient tels que les écrivains chrétiens évitent l’emploi du terme de «mystère» en ce sens, pourtant usuel dans la langue courante du IIe siècle (C. Mohrmann). Sacramentum , lui, avec le double élément juridico-religieux que Tertullien tire de son usage préchrétien – serment prêté à l’occasion d’un procès ou serment d’engagement militaire; gage en nature ou en argent déposé au temple dans le premier cas, ou marque indélébile d’appartenance gravée sur la peau dans le second (D. Michaélidès) –, prêtait moins à confusion, malgré son emploi possible en ce double sens pour une initiation à un mystère païen. L’interprétation «mystérique» de la liturgie chrétienne proposée, entre les deux guerres, par O. Casel doit en tous cas être sérieusement nuancée. Le schème initiatique de mort/résurrection que développe Paul à propos du baptême en Christ est à comprendre, non pas en fonction d’une influence directe des mystères païens, mais en fonction, d’une part, de l’arrière-plan biblique et, d’autre part, d’une symbolique universelle fortement valorisée alors dans le bassin méditerranéen par une large aspiration à un « salut » que la religion d’Empire ne satisfaisait pas, aspiration sensible jusque dans le monde juif lui-même, comme le montrent les nombreux mouvements messianiques et apocalyptiques qui l’agitaient à l’époque.

Couramment appliqués aux rites chrétiens au IVe siècle, les termes mystèrion et mysterium ont pu conserver par la suite leur lien originel fondamental avec l’Écriture. La sacramentaire, dans cette perspective, n’est pas une partie, mais une dimension de la théologie chrétienne, c’est-à-dire aussi bien de l’explicitation des «mystères» de l’Écriture: sacrements de la «Parole», ils ne se comprennent qu’à l’intérieur de la vaste et dynamique économie du salut attestée par les Écritures dont ils sont l’une des manifestations, déployée pour la communauté croyante en événement de salut. Quoique souvent équivalent à mysterium , sacramentum n’avait pas la même force étymologique pour conserver bien vivant ce rapport à l’Écriture. Cela devait se révéler lourd de conséquences par la suite, non seulement par rapport à la sensibilité toujours vive de l’Orient à l’«économie», mais aussi par rapport à la revendication luthérienne de retour à la Parole. À l’époque scolastique, la polysémie traditionnelle de sacramentum , sans être oubliée, est de plus en plus réduite au champ de la ritualité. Mais ce que l’on gagne en précision terminologique (et qui favorise l’émergence de «traités» des sacrements), on risque de le perdre en profondeur et en largeur de vue, comme le manifestera, à partir du XIVe siècle, le juridisme ecclésiologique et sacramentaire.

Dans le seul domaine rituel cependant, les théologiens du XIIe siècle énumèrent quatre, dix, douze sacrements. Mais l’époque est alors à la clarification et à la précision. Soutenue par une démographie pleine, une économie prospère, un urbanisme renaissant, des écoles de théologie florissantes, elle fait preuve d’un optimisme foncier envers les capacités de la raison. La «mentalité symbolique» (M. D. Chenu), vivace encore, de l’âge roman est peu à peu maîtrisée, et l’on édifie de grandes constructions théologiques systématiques avec la même audace et le même souci de clarté que les cathédrales gothiques. Le besoin de maîtrise conceptuelle est donc tel, en ce XIIe siècle, que l’on se met à la recherche d’une différence spécifique qui permette de caractériser les «sacrements proprement dits». Un premier critère, celui de la finalité par rapport au salut (Abélard, Hugues de Saint-Victor), permet d’abord de distinguer les sacrements «majeurs» des «mineurs», ces derniers, appelés bientôt sacramentaux, étant de simples adjuvants de la foi (eau bénite, imposition des cendres, ordres mineurs...). Mais Hugues comptait encore des rites juifs comme la circoncision ou l’immolation de l’agneau pascal parmi les «sacrements du salut». Sur ce front, le critère de causalité va être décisif: si ces «sacrements de l’ancienne loi» justifiaient le peuple juif, c’est par la foi dans la grâce du Christ qu’ils préfiguraient. Seuls les «sacrements de la loi nouvelle» «contiennent» et «confèrent» cette grâce, «effectuent ce qu’ils figurent», «causent la grâce en la signifiant» (Pierre Lombard).

Établie théologiquement par Pierre Lombard, puis dogmatiquement par les conciles de Florence (1439) et de Trente (1547), la liste des sept sacrements (baptême, confirmation, eucharistie, pénitence, extrême-onction, ordre, mariage) n’était pourtant pas le fruit d’une simple opération intellectuelle. À la fin du XIIe siècle encore, pénitence et mariage cadraient fort mal avec la théorie. La pratique de l’Église, vivant les «sacrements» bien avant d’en donner une définition et une liste, a été aussi déterminante que la réflexion spéculative.

Les interrogations contemporaines

La théologie sacramentaire s’est profondément renouvelée au cours du XXe siècle. La redécouverte de la priorité, dans la sacramentaire de Thomas d’Aquin, du signe sur la cause (A. Vonier, 1925), celle du mémorial sacramentel et de la participation mystérique, sous ce mode, à la Pâque du Christ (O. Casel, 1932), le retour au symbolisme patristique (H. de Lubac, 1944), l’étude des grandes catéchèses mystagogiques du IVe siècle (J. Daniélou, L. Bouyer): d’une part, tout appelait un recentrage sur le mystère pascal et son anamnèse liturgique; d’autre part, une intelligence des sacrements à partir d’une ecclésiologie elle-même «sacramentelle» (Y. Congar, O. Semmelroth, K. Rahner). E. Schillebeeckx (1952) devait reprendre tout cet ensemble en soulignant la dimension anthropologique de la vie sacramentelle.

Malgré ses indéniables avantages, l’opération scolastique de définition de sept sacrements au sens strict risquait de polariser l’attention sur leur seul trait spécifique, celui de l’opus operatum , et, en les coupant ainsi des multiformes manifestations «sacramentelles» de la Parole du salut dans l’histoire, de favoriser une mauvaise entrée en sacramentaire par la porte juridique, voire casuistique, du minimum requis pour la validité. La situation a été retournée par la mise en relief, à l’époque contemporaine, de la «sacramentalité fondamentale» de l’Église, de ses manifestations paradigmatiques dans les deux sacrements reconnus traditionnellement comme majeurs (baptême et eucharistie), du caractère analogique du concept de sacrement (déjà souligné dans la grande scolastique) et ainsi de l’impossibilité de couper les sacrements des autres manifestations du Christ Sauveur dans les Écritures et dans l’existence historique des chrétiens.

Le renouveau contemporain du discours christologique interroge directement par ailleurs, de manière critique, la «christianité» effective des pratiques liturgiques de l’Église (inévitablement porteuses des ambivalences, psychiques et sociales, de toute ritualité) et la crédibilité des figures du Ressuscité qu’elles produisent dans l’histoire. Si la pneumatologie, de son côté, parce qu’accrochée au principe christologique, ne peut développer unilatéralement une doctrine de l’universel qui dissoudrait la particularité chrétienne, elle n’en exige pas moins un incessant débordement de l’institution. Un peu comme chez Irénée au IIe siècle, la sacramentaire est alors requise de se tourner vers une théologie de la création, premier moment d’une unique économie appelée à se déployer dans cette «nouvelle création» déjà eschatologiquement en genèse (Paul), que l’Esprit, «faisant toutes choses nouvelles», achèvera.

Les multiples recherches sur les origines chrétiennes font ressortir la continuité formelle des rites (d’ailleurs diversifiés) des Églises naissantes par rapport au judaïsme (lui-même non monolithique). La discontinuité est établie par leur référence au «nom de Jésus», confessé, sur la base de sa résurrection par Dieu, comme «Christ» et «Seigneur». Baptême et eucharistie marquaient ainsi l’entrée dans et l’appartenance à la communauté messianique des «derniers temps» inaugurés par la résurrection de Jésus et le don de l’Esprit, et faisaient participer, de manière anticipée, à l’accomplissement définitif du Règne de Dieu. Le mémorial chrétien, tout en conservant son héritage juif de mémorial historico-prophétique, était par là même converti en mémorial eschatologique.

De la foi juive en un Dieu s’engageant et se révélant dans l’histoire, le christianisme a hérité, notamment à travers la tradition prophétique, d’un vif sentiment du rapport indissoluble entre pratique cultuelle et pratique éthique. Le service liturgique de Dieu renvoie si bien au service «liturgique» du prochain que le Nouveau Testament réserve l’emploi du vocabulaire sacrificiel et sacerdotal juif à l’existence quotidienne des chrétiens: vécue dans la foi au Christ et dans la charité fraternelle en son nom, c’est elle qui constitue le lieu premier de leur liturgie, de leur sacrifice spirituel et de l’exercice de leur sacerdoce baptismal commun. Par rapport au courant prophétique de spiritualisation du culte, cette subversion du statut de la liturgie a ceci d’original qu’elle est fondée sur la foi au don eschatologique de l’Esprit, qui fait participer les chrétiens à la force ressuscitante de leur Seigneur se donnant à rencontrer jusque, en sa condition d’humilié, sous les traits du «plus petit» (Matt. XXV). C’est cette participation à la vie du Christ ressuscité et ressuscitant, moyennant laquelle la pratique historique de la justice et de la miséricorde devient «sacrifice vivant et saint» (Rom. XII, 2), que les célébrations liturgiques donnent symboliquement à voir et éthiquement à vivre.

Bien des querelles sacramentaires du passé entre les diverses confessions chrétiennes ont perdu aujourd’hui leur acuité, voire leur raison d’être. De nombreux accords œcuméniques, notamment sur l’eucharistie et sur les ministères ordonnés, manifestent l’ampleur, insoupçonnable il y a quelques décennies, des convergences de vue, même si quelques points épineux subsistent.

La théurgie païenne

Si on l’abstrait du contexte théologique dans lequel elle s’est développée pendant les derniers siècles du paganisme antique, la notion de théurgie rejoint celle de sacrement. C’est une structure élémentaire de la vie religieuse, et, comme telle, elle peut s’insérer dans des ensembles hétérogènes. Car, conformément à l’étymologie (théou-ourgia ), elle se définit comme une action divine dont l’homme est l’instrument et le bénéficiaire. Elle implique la mise en œuvre d’un signe sensible (invocation, geste, manipulation d’objet) qui effectue ce qu’il symbolise. Au IVe siècle de l’ère chrétienne, Jamblique précise, dans le livre II de son traité Des mystères d’Égypte , que ces signes «accomplissent par eux-mêmes leur œuvre propre», en demandant seulement au fidèle un minimum de disponibilité. L’opération divine n’est pas mesurée par la connaissance qu’en a le fidèle, ni même par sa ferveur. La théurgie est donc un symbolisme opératoire destiné à éveiller la présence et la puissance divines. Elle préfigure l’efficacité ex opere operato des sacrements chrétiens.

D’ailleurs, théurgie et sacrements répondent à un même problème. Si d’une part Dieu est transcendant et essentiellement mystérieux, et si d’autre part il se communique et divinise l’homme de quelque façon, cette communion ne peut se réaliser uniquement dans l’intelligence humaine, même éclairée par Dieu, car la plus profonde pensée ne saisit que des relations et n’atteint pas l’absolu comme tel. Le christianisme enseigne que la foi à la révélation divine ne suffit pas à la régénération si elle n’est vivifiée par la pratique sacramentelle et surtout par la charité. De son côté, l’école néo-platonicienne (IIIe-VIe s. apr. J.-C.) professait que la perfection consiste dans l’union mystique à la divinité ineffable, alors que la pensée ne s’élève pas au-delà de la théologie négative: elle sait seulement ce que Dieu n’est pas. C’est pourquoi cette école en était venue à combler par l’art théurgique le vide ainsi creusé entre la contemplation et l’«extase». Cet art devait réveiller chez l’initié non plus la sagesse, mais une sorte d’ivresse divine, non plus la visée d’une vérité distincte, mais la coïncidence avec l’Ineffable. Les prodiges et l’exaltation dionysiaque n’étaient pas exclus, mais on aurait tort d’y voir l’essentiel de la mystique néo-platonicienne. Ce n’étaient que des manifestations superficielles d’une communication plus originelle que toute expression. Au Ve siècle, le biographe de Proclos, Marinos, loue son maître d’avoir pratiqué, au-delà des vertus contemplatives, les vertus théurgiques, appelées encore «vertus hiératiques».

Dans ce dernier cas comme dans celui des sacrements, il s’agit d’employer un procédé plus radical que la pensée pour une conversion plus radicale que celle du contemplatif. On voudrait rejoindre la divinité au foyer même de sa clarté. «Ce que l’homme ne peut comprendre totalement, écrivait Maurice Blondel dans Histoire et dogme , il peut le faire pleinement, et c’est en le faisant qu’il entretiendra vivante en lui la conscience de cette réalité encore à demi obscure pour lui.»

Le paganisme, n’ayant pas eu d’autorité doctrinale comme le catholicisme, s’est dispersé en une multitude de croyances et de rites. La théurgie n’a pas échappé à cette prolifération, et il ne peut être question ici d’en exposer les minutieuses pratiques. Il est plus important de chercher comment les esprits les plus avertis de l’époque tentaient de les justifier.

Le meilleur traité théologique de la théurgie est l’ouvrage de Jamblique déjà cité. La référence aux traditions religieuses égyptiennes et orientales, considérées comme plus précieuses que celles des Grecs, est un trait du moment. On cherchait en Orient le moyen de dépasser l’intellectualisme hellénique et son inconstance jugée excessive. Mais il est possible que ces influences orientales aient surtout favorisé le développement des germes mystiques que contenaient déjà les mystères grecs et celui des philosophies profondément religieuses, comme le pythagorisme et le platonisme. En fait, les traditions que recommande Jamblique, avec autant d’éclectisme que de dogmatisme, ont des origines diverses. Dans la même ligne, mais avec plus d’esprit critique, Proclos se proclamera au siècle suivant «le hiérophante du monde entier».

En tout cas, Jamblique repousse fermement tout «rationalisme» qui prétendrait conquérir l’union divine par le seul effort de l’intelligence. Sans doute vise-t-il Plotin à travers son disciple Porphyre (IIIe-IVe s.), qui avait adressé à Jamblique une série de questions légèrement ironiques. Plotin, qui pourtant professait que l’union déifiante est non seulement la fin, mais le principe de toute la vie de l’esprit, s’était tenu sur la réserve vis-à-vis de tous les rites. Porphyre avait oscillé de la pratique à la défiance. Dans son traité Du retour de l’âme , il avait même donné une explication de l’efficacité théurgique qui en réduisait la portée. Les rites agiraient seulement sur une puissance inférieure de l’âme, l’imagination, pour la purifier et libérer ainsi la puissance supérieure.

Jamblique ne se satisfait pas de cette interprétation. Et sa prise de position va intégrer définitivement l’art théurgique dans l’enseignement néo-platonicien, tant comme pratique que comme doctrine. La justification qu’il avance est peut-être évoquée par le pseudonyme «Abamon» que se donne l’auteur du De mysteriis . Si on en croit le père Saffrey, «Abamon» serait formé du syriaque aba , qui veut dire «père», et du nom du dieu national égyptien Amon . Abamon signifierait alors «père du dieu». Et, appliqué au théurge, il suggérerait que celui-ci, par la puissance du signe, engendre la divinité dans son âme.

Que cette étymologie soit exacte ou non, l’art théurgique est bien essentiellement théogonique, puisqu’il participe au pouvoir qui fait les dieux. Le maître Abamon soutient, en effet, que la puissance des signes n’est nullement ordonnée à notre utilité ni à la satisfaction de notre curiosité, mais à la purification de l’âme et à sa participation à la liberté divine. Les bienfaits extérieurs comme les guérisons, les prévisions, les apparitions ne sont que des moyens. La théurgie n’est pas la magie. Bien entendu, on serait aujourd’hui plus exigeant sur ce point. On soupçonnerait quelque sorcellerie dans les artifices de l’oracle de Colophon et de celui de Delphes. Mais n’oublions pas qu’il y a un usage magique des sacrements. Tout symbole peut être dégradé et détourné. Et le principe que met en avant maître Abamon est sain, même s’il souffre quelques applications douteuses. La théurgie ne met pas les dieux à notre service, car c’est l’effet inverse qu’elle vise. Elle ne manipule pas les dieux en faisant d’eux les objets passifs de nos prières et de nos sacrifices. Car, si le rite est efficace, c’est dans la mesure où les dieux ont librement choisi d’y enfermer leur puissance. Leur motion est prévenante, et c’est par eux que nous les prions. Jamblique combat même cette idée plotinienne que l’âme enveloppe éternellement en elle-même tout ce qu’elle peut devenir. Pour lui, cette immanence intégrale, même si elle cache un don d’en haut, minimise l’initiative divine et le bouleversement qu’elle opère quand elle prend possession d’une âme. On pourrait croire que cette âme actualise seulement sa plus haute puissance, alors qu’en réalité elle ne s’appartient plus, la divinité devenant à la fois la fin et le principe de son action.

Selon Proclos, la divinité nous illumine ou bien par les pensées qu’elle nous inspire, ou bien par les actions qu’elle nous fait accomplir. Celles-ci doivent non seulement représenter, mais faire passer dans nos démarches une fonction constitutive de la générosité divine. En sorte que cette opération nous consacre ou nous initie à l’acte par lequel une puissance divine se donne son caractère distinctif.

Ici apparaît la différence fondamentale entre la théurgie antique et les sacrements chrétiens. Ceux-ci, qui ont leur centre dans l’eucharistie, reproduisent les actions divino-humaines de Jésus et font communier le fidèle à son sacrifice et à sa glorification. Le fondement du sacrement chrétien, c’est l’histoire de Jésus auquel le chrétien conforme effectivement sa propre histoire. «Faites ceci en mémoire de moi.»

La racine de la théurgie paraît d’abord assez semblable. Les mystères païens faisaient revivre à leurs initiés l’aventure terrestre du dieu auquel ceux-ci aspiraient à être personnellement consacrés. Mais les aventures de ces dieux n’appartiennent pas à l’histoire, elles relèvent du mythe. Et, si l’on cherche à les interpréter de façon philosophique, on verra en chaque dieu, Apollon, Dionysos ou Coré, la figure d’une puissance déterminée de l’unique et ineffable source de la divinité. Le mythe se résout alors dans l’intemporel.

Par conséquent, dans un cas comme dans l’autre, sacrements et théurgie, il y a la motion prévenante et déifiante du Dieu caché, et la médiation d’un symbole efficace. Mais le sacrement continue l’histoire d’un homme-Dieu, tandis que la théurgie est l’acte d’une pensée mythique toute chargée de mystique. Sur ce point, la divergence semble irréductible.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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